mercredi 12 mai 2010

Vivre avec un sursis

Tous les humains partagent la certitude de la mort.
Sauf à savoir quand sonnera son heure.
Pour moi, elle a failli sonner un jour de décembre 1991...



A cette époque, nous habitons une maison de village au Péage de Vizille (Isère). + de détails
J'exerce mon métier d'architecte au rez de chaussée dans un bureau qui donne sur la rue. Je suis spécialisé dans la construction de villas pour des particuliers avec une équipe d'artisans fidèles et compétents.
Malheureusement, l'équipe qui fait les façades rencontre des difficultés et doit suspendre son activité. Je fais alors appel à un autre artisan qui m'est recommandé et il effectue quelques chantiers, payé par mes clients et sous ma direction. Si la qualité de travail est satisfaisante, en revanche je n'arrive pas à obtenir copie de l'attestation d'assurance décennale que l'entreprise me dit détenir conformément à la loi. Pour obtenir ce document d'extrême importance je demande à l'un de mes clients de retarder le réglement d'une facture due par lui à cette entreprise de façade. Devant ce blocage, l'artisan n'hésite pas à se présenter à mon bureau en plein milieu d'après midi passablement éméché mais surtout armé d'un pistolet 9mm avec lequel il me menace immédiatement après que je l'ai introduit dans mon bureau.
Le ton monte lorsque je lui explique que, de toutes les façons, ce n'est pas à l'architecte de payer ses factures mais au client. A l'écoute des éclats de voix, ma femme (Tine) qui travaille à l'étage fait irruption dans le bureau armé d'une bombe lacrymogène dont elle asperge copieusement mon agresseur. Il fait volte face et braque son arme vers Tine. Je me jette sur lui en plaquant son arme vers le bas, mais un coup part dans un bruit assourdissant et je suis violemment jeté à terre. Je suis touché dans le pli de l'aine, le bras de l'agresseur ayant été plaqué le long de mon corps. La balle rentre au ras de l'artère fémorale et ressort derrière le genou pours se ficher dans le plancher. Mon agresseur prend la fuite tandis que Tine appelle les secours. Les pompiers me donnent les premiers soins principalement en compressant la fémorale pour éviter une hémorragie fatale. Le SAMU m'emmène aux urgences où je suis immédiatement opéré et recousu, reste  hospitalisé durant 15 jours et en arrêt de travail pendant 3 mois.

J'ai bien failli perdre la vie dans ma trente-neuvième année !
Depuis ce jour, j'ai vécu en considérant que chaque jour nouveau était un jour de plus qui m'était donné à vivre.
J'ai développé, depuis cette agression, un mode de vie me permettant de profiter au maximum de ce sursis.
J'ai inventé pour mes enfants une maxime que je voulais nous appliquer à tous :
Reste vivant jusqu'à ce soir
Je ne parle pas que de rester en vie, j'entends surtout "être vivant" dans le sens "faire quelque chose de sa vie".
Des petits aux plus grands plaisirs, avoir vécu comme cela durant ces années qui ont précédé ce cancer d'aujourd'hui, m'aide à jouir de chaque instant de ce nouveau sursis dont on sait maintenant qu'il peut être de courte durée, voire cesser du jour au lendemain.

2 commentaires:

Nolwenn a dit…

J'étais encore toute petite à cette époque mais je me souviens bien de cet anniversaire... avec ma coupe carrée et ma grosse frange :)!
C'est une bonne maxime que vous avez tous les 4 su appliquer!

Emmanuel a dit…

je devrais, moi le premier, profiter de tous les instants... on y pense souvent quand on voit les gens que l'on aime, être en souffrance...et puis le cours de la vie reprend... Mais une fois encore, tu as raison sur tout !

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