jeudi 20 mai 2010

Vivre avec la mort de mon père

Et bientôt la mienne...

Les bonnes nouvelles viennent des médecins qui apportent les résultats des examens de biologie. Le taux de plaquettes a remonté et je peux sortir avant midi. Après une course au trésor pour récupérer les ordonnances signées et une visite du docteur qui nous indique une nette amélioration sur le résultat du prélèvement de LCR de la ponction de la veille, nous n'avons pas meilleur moral que ça.
Dans le message d'hier, j'ai fait un lien vers une page web consacré au DEPOCYTE, sans lire la totalité des informations. Tine s'y est employée pour découvrir que ce traitement palliatif assurait une survie de 77 jours, et au mieux, 24% des patients étaient encore en vie au bout d'un an. C'est la première fois que nous mettons des chiffres sur mon sursis. Tine est plutôt "démolie" tandis que ma méthode "Dale Carnegie" me rapelle que j'ai 57 ans.
Mon père n'en avait que 39 quand il est mort...

J'ai perdu mon père lorsque j'avais treize ans.










Nécrologie :
Le 10 Février 1966 est décédé subitement à Cherbourg, à l'age de 39 ans, M. Edmond Meunier, ingénieur chimiste au Centre Nucléaire de La Hague. Ancien élève du Conservatoire National des Arts-et-Métiers, après avoir été l'adjoint du Chef des Laboratoires de Contrôle du Bouchet, puis s'être occupé d'étude de corrosion au Centre de Grenoble, il avait accepté avec enthousiasme la lourde charge d'organiser et diriger le groupe chargé des contrôles analytiques continus de l'usine de plutonium de La Hague. Arrivé depuis mai 1965, il avait su se faire estimer aussi bien de ses supérieurs qui appréciaient en lui ses qualités de technicien, d'organisateur et de chef, que de ses collaborateurs qu'il dirigeait avec compétence et une fermeté bienveillante. Ses amis, nombreux, trouvaient en lui une compréhension généreuse et une grande loyauté. Sa disparition éprouve douloureusement le Centre de La Hague et laisse des regrets unanimes.
Que Madame Meunier, son épouse, que ses enfants et sa famille veuillent bien trouver ici le témoignage de l'amitié profonde du Chef de Centre et du personnel de La Hague ainsi que de tous ceux qui l'ont connu et travaillé avec lui.


Comment j'ai vécu ce décès
J'étais en pension au lycée de Villard de Lans lorsque c'est arrivé. On m'a mis au train, sans m'aviser du décès, pour rejoindre Cherbourg où nous habitions. Une soeur de mon père m'a récupéré à Paris et m'a annoncé la nouvelle pendant que nous finissions le voyage en voiture.
En arrivant, on m'a tout de suite conduit dans la chambre où la dépouille de mon père reposait sur le lit. Une serviette était roulée sous son menton pour empêcher la machoire de s'ouvrir. Ce détail perturbait sérieusement la sérénité de la scène où se trouvaient des tas de gens, dans la pénombre, que je ne connaissais pas. Quelqu'un a pris quelques photographies de mon père sur son lit de mort. Je les ai vu souvent dans un album de photos de famille et j'ai finalement réussi à les numériser.




C'était la première fois que je voyai une telle scène. Au cinéma, ou à la télévision, cela m'a toujours rappelé les émotions de cette nuit là, lorsque ce genre d'images étaient projetées. Aujourd'hui, c'est moi qui me projette et me vois sur ce lit. Les heures qui ont suivies, sont encore très présentes dans ma mémoire après 44 ans et j'y pense le 10 Février de chaque année. C'était, le chagrin insuportable de ma mère lorsque, depuis l'étage où on nous avait reclus, nous avons perçu le bruit du marteau qui a cloué le cercueil. Puis des gens, semblaient s'agiter dans toute la maison. Il me paraissaient vouloir se rendre indispensables pour nous donner à manger alors que nous ne pouvions rien avaler. De grandes décisions semblaient se prendre dans l'immédiat concernant l'organisation des obsèques, les fleurs, le trajet du corbillard, les faire-parts, la cérémonie. Moi je pensai que tout ça était dérisoire. Je n'avais plus de vie, plus d'avenir. Je n'avais plus de papa ! Et ça, je l'avais bien compris tout de suite.
Au cimetière, au lieu d'être enterré dans un trou où on jette des fleurs sur le cercueil que l'on recouvre de terre, celui ci a été placé dans une des niches d'un mur qui ressemblait à la consigne automatique d'une gare. Ma mère a dit: "mon mari n'est maintenant plus qu'un numéro". Je me suis dit, en moi-même, que vivant ou mort, je ne serai jamais un numéro. Quelques jous plus tard je rejoignais la pension où j'avais le numéro 82....

3 commentaires:

Nolwenn a dit…

Ton histoire est très émouvante. Quelle douleur de vivre ca si jeune ...

Unknown a dit…

Le fait d'avoir de vrai échéances me fait assez peur maintenant, courage, je serai là, présent.

Unknown a dit…

Merci pour ce blog qui me permet d'avoir de tes nouvelles (sans avoir à te déranger) et qui est très plaisant à lire.
Je suis heureux d'en apprendre chaque jour un peu plus sur cet oncle charismatique dont la sagesse et la culture m'ont toujours impressionné et qui a été (et reste encore aujourd'hui) une figure importante tout a long de mon enfance.
Ces statistiques m'attristent...
On apprend pas à l'école comment vivre avec la maladie d'un proche. Grâce à ton blog, nous ne le découvrons pas seul. Merci à toi!

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